lundi 21 avril 2008

Moqtada Sadr : l'interlocuteur incontournable

(Ouest-France du 21 Avril 2008)

Il est la pièce maîtresse du nouvel échiquier politique en Irak. Sans lui, impossible de stabiliser un pays en proie à la violence et à la pléthore de milices gouvernementales et « indépendantes ». « Oubliez Al-Qaïda, laissez ça aux Américains. C'est Moqtada Sadr et son armée du Mehdi qui préoccupe le gouvernement irakien » confie un membre du parlement de Bagdad souhaitant garder l'anonymat. Même si le chef religieux chiite est l'un des plus puissants adversaires des Américains, il est aussi devenu la bête noire du gouvernement du Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki. La crédibilité de ce dernier ne tient qu'à la volonté ou non de Moqtada Sadr d'embraser le pays et de raviver les braises ardentes d'une guerre civile, mais cette fois-ci entre chiites. Et le chef au turban noir en est capable. A tout moment, il peut ordonner à sa milice de prendre position dans le sud de l'Irak, à Bassora, Nasriyah, Koufa en passant par Bagdad et son bastion : Sadr city.

La force de Moqtada est surtout d'avoir su briller sur la scène de l'après-guerre sans avoir de légitimité propre, tant au niveau politique que religieux. Dans les faits, le seul héritage laissé par son père, Mohamed Sadeq Sadr, assassiné en 1999 probablement par les sbires de Saddam Hussein, est son nom : Sadr. Pourtant, ce dernier, homme très respecté, disait de son fils : « n'écoutez pas ce qu'il dit, il est simplet ». Rien ne prédisposait Moqtada Sadr à tenir le rôle de seigneur de guerre. Alors face à ce manque d'expérience, le chef religieux a utilisé son nom et la force pour faire avancer ses pions. Mais surtout, il s'est attaché à créer des liens sociaux avec la population et en subvenant à ses besoins, notamment en s'appropriant le ministère de la santé. La plus puissante milice d'Irak est donc devenue la principale organisation humanitaire du pays.

Un enjeu électoral majeur

La dernière bataille contre l'armée irakienne et américaine a entériné sa légitimité de leader chiite incontestable. Pour la plupart des experts, le gouvernement irakien de Maliki a échoué dans sa tentative de mettre au pas l'armée du Mehdi, composé de 60 000 miliciens armés et soutenue par une grande partie de la population chiite. Des milliers de militaires irakiens avaient refusé de combattre Moqtada Sadr préférant lui prêter allégeance et lui rendre les armes au lieu d'être fidèle au gouvernement en place. Car c'est bien de politique qu'il s'agit. Les élections régionales qui devraient avoir lieu en Octobre 2008, diront ou non si le gouvernement de Nouri Al-Maliki est assez solide pour continuer. Leur principale divergence ? Moqtada Sadr est nationaliste et se prononce contre la partition du pays au grand dam des deux grands partis politiques chiites, le parti Daawa (du Premier ministre) et le Conseil Supérieur Islamique en Irak (Abdel Aziz Al-Hakim), liés historiquement à l'Iran, et qui espèrent transformer le sud de l'Irak en une région indépendante à l'instar du kurdistan irakien. A une question d'un journaliste qui lui demandait où il se plaçait sur la scène politique irakienne, Moqtada Sadr a répondu : « Je suis religieusement chiite et politiquement sunnite. »

Feurat Alani.

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