mardi 25 août 2009

Le témoignage d'un irakien après les attentats du 19 Août 2009



Je vous l'ai traduit car ça vaut le détour :
-Hier, nous avons été témoins de l'explosion. On a même pas entendu le bruit tellement la puissance de l'explosion était importante. On y voyait plus rien à cause d'un brouillard créé par la déflagration. Deux heures après, il n'y avait toujours personne pour nous aider, même pas une ambulance. C'est nous, les habitants du quartier qui avons ramassé les corps et les blessés de nos propres mains. Alors que là - bas, ils étaient occupés à nettoyer les murs du ministère des affaires étrangères pour préserver la peinture !
- Je dis, si les Irakiens ne préoccupent pas le gouvernement, alors expulsez - les ! Expulsez - les. Que les dirigeants des autres pays, s'ils veulent entrer au paradis, qu'ils acceptent d'accueillir les Irakiens. Ici, il y a des génocides !
-Personne n'y croit à ces accusations contre les "saddamistes" et les "extrémistes", personne n'y croit. Tout ça, ce sont les partis politiques qui sont derrière ça, pour que ce gouvernement échoue, chacun de ces partis se bat pour prendre le pouvoir. Et qui en est victime ? Le peuple irakien. Son problème au peuple irakien ? Il est né irakien ! Il est né irakien ! Autant mourir tout de suite, c'est mieux. C'est mieux pour lui qu'il meure, de toute façon, il meurt tous les jours. Quotidiennement, on perd un ami, un frère, une mère ou un fils. Pour qui ? Pour qui ? Si le gouvernement n'est pas capable de gouverner, alors qu'il s'en aille ! Qui vous a amené au pouvoir ? On ne vous connaît pas, on ne connaît même pas vos noms ! quittez ce pays, sortez ! Partez, vous nous tuez tous les jours. Si vous voulez rester alors faites nous partir, vous resterez seuls, comme ça vous vivrez en sécurité, comme vous le souhaitez. Sans peuple. Soyez un gouvernement sans peuple. Tous les jours, on vous donne 40, 50 morts. Alors que de votre côté, y en a un qui fait une crise cardiaque à cause du bruit de l'explosion et un autre qui est à peine blessé. Alors que les cadavres qui sont là, on ne sait même pas à qui ils appartiennent. On ne sait pas à qui appartient cette jambe qui traîne, ce bras, ce tronc. Pourquoi ? Pourquoi ? Combien vaut un irakien ? On voudrait le savoir ? 100 dollars? On vous en donne 200. Aidez nous à quitter ce pays. Comment cela se fait qu'hier, juste après l'explosion, un membre du gouvernement m'a demandé de quitter les lieux prétextant que j'étais sur sa propriété. Où dois - je aller alors ? Toi, tu es irakien, et moi je suis quoi ? Indien ? Sri-lankais? Je suis quoi moi ? Tu es irakien ? comment se fait - il que tu gagnes 3000 dollars par mois, que tu aies 3 ou 4 maisons et tu me demandes de partir alors que moi je n'arrive même pas à gagner 100 dollars par mois ? Tu veux que je reste à ne rien faire ? Ca suffit ! Vous n'avez pas honte ? Soyez humble, ça changera. Ne vous cachez pas derrière les soi - disant saddamistes et extrémistes.

mercredi 19 août 2009

100 morts, 564 blessés et une brève dans les JT

Point de pamphlet contre la presse ici. Juste un constat. Les guerres d'Afghanistan et d'Irak se chevauchent dans les journaux et donc la question de la déontologie est légitimement posée lorsque ne transparaissent sur le petit écran que brèves et (courtes) indignations après les attentats sanglants en Irak. Moins vendeur que l'Afghanistan où les Français découvrent que la guerre, c'est violent et que des soldats de chez nous meurent vraiment. Que choisir entre une déontologie à géométrie variable et la loi de l'information ? Cette loi avantage la proximité géographique plutôt que l'actualité marquante qui risque de rebuter le téléspectateur. J'en reviens donc à ces attentats sanglants de ce mercredi 19 Août qui je le rappelle est le triste anniversaire d'un autre attentat, celui perpétré contre l'ONU à Bagdad un mardi 19 Août 2003. Étrange avertissement avant le départ des troupes d'occupation prévu d'ici 2011. Qu'adviendra-t-il de l'Irak ? A qui appartiendra ce pays ? Qui pourrait répondre à cette question ? Même pas Barack.

Je pense à mes amis là - bas. Ceux qui souffrent tout en gardant le sourire. Non loin du ministère des Finances où a explosé un camion piégé, il y a cette chaîne de télévision. J'y avais séjourné il y a quelques mois le temps d'un reportage. Aujourd'hui, je n'ai pas eu de nouvelles de mes amis journalistes qui y travaillent, y dorment souvent et rôdent autour. Je pense à eux. Voici une vidéo que j'ai prise avec mon téléphone portable dans la rédaction de cette télévision. Il y a deux chiites, un sunnite et un chrétien. Tous travaillent ensemble, s'entraident, se voient comme Irakiens. Un pied de nez aux partisans de la division. C'est un moment de détente entre deux reportages, entre la vie et la mort. Le thème de cette vidéo justement : "Al akhowa" - la fraternité -. Le gars aux épaules bleues, c'est le rigolo de la troupe. Le type en noir, c'est Ali, il risque sa vie en parcourant tout le sud de Bagdad pour venir travailler. Celui qui boit un jus d'orange se mariera dans quelques jours. Voici donc un hommage à leur sourire.

dimanche 9 août 2009

Un dimanche 9 Août....

14h38...14h39...14h40...
Paris souffle un peu avec ses ruelles vides.
Paris, une bronchite chronique. Mon élixir ? Ma montre.
Seule l'horloge ne prend pas de vacances. Jamais. Véritable certitude, l'aiguille tourne toujours dans le même sens et au même rythme. Mais il est possible de saisir des secondes durant quelques minutes. S'il est difficile d'immortaliser le présent, un retour en arrière ne demande qu'un peu de concentration. Comme fixer un coin de la pièce ou fermer les yeux : le voyage, peu à peu, prend forme.
Bagdad. 1989. 20 ans déjà.
L'avion se pose sur le tarmac de l'aéroport international de Saddam Hussein en pleine nuit. A notre descente, l'air chaud nous secoue les particules. A l'intérieur, les plafonds sont illuminés par les stalactites en verre. Les officiers moustachus sentent l'après-rasage et laissent leur odeur de parfum sur nos passeports.
Ce qui m'attend dans ce pays va me coller à la peau, s'inscrire dans ma chair. Et me suivre pour le restant de mes jours, les odeurs, les couleurs, les mots. J'ai posé le pied sur cette plaine désertique où les routes goudronnées et les lampadaires orangeâtres sont des intrus. Des éléments annonciateurs d'une modernité incapable de s'approprier la nature. La nature irakienne est brute. Chargée d'histoires prophétiques, balayées par les tempêtes de sable. Comme si tous recommençait à zéro à chaque clignement des yeux...