La fenêtre de ma chambre au Hamra |
Les narguilés autour de nous dégagent des odeurs mentholées et fruitées, la musique libanaise tourne, un semblant de vie nocturne assez banal s'il n'y avait ces hélicoptères juste au-dessus de nos têtes. Ils sont moins nombreux mais toujours oppressant, rappelant que le pays est toujours sous occupation, et pas près de retrouver une stabilité politique...Le prochain gouvernement est loin d'être formé.
Sur le retour, je me suis rappelé cette année 1995 à Bagdad durant l'embargo. C'était l'une des années les plus dures. Celle où le dinar irakien est tombé encore plus bas, celle où manger du pain blanc était devenu un luxe, celle où même l'importation de crayons à papier était interdite (pour ne pas créer d'armes chimiques, allez comprendre...). Je me suis donc rappelé ce mois de juillet 1995 dans le quartier d'Al-Mansour, chez ma tante Soumaya. Nous mangions un poulet rôti, un luxe devenu rare, lorsqu'un chat famélique s'est posté à mes pieds me suppliant du regard. Venant de France, adolescent, j'avais craqué et lui avais donné ma cuisse de poulet. Stupéfaction autour de moi. Inconscient, j'avais commis une grave erreur. Donner une cuisse de poulet à un chat alors que le peuple irakien n'avait pas de quoi manger. Un professeur d'université gagnait 3000 dinars, soit deux dollars à cause de la dévaluation...à peine de quoi acheter de la farine. Aux heures de gloire de l'Irak, un dinar irakien valait plus de 3 dollars.
Après avoir encaissé les remontrances de ma cousine Raghad, et récupérer ma cuisse de poulet (entamée), j'avais compris que le destin me ramènerait en Irak. Et je ne le regrette pas. 15 ans après, je pense que cet évènement m'a, en partie, amené à faire ce métier de journaliste... et à me taire lorsque j'ai envie de me plaindre.
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